La construction du point de vue des femmes : un levier pour la résilience socio-économique
La construction d'infrastructures respectueuses de l'égalité des genres est une pratique quasiment inexistante au Népal et dans d'autres pays. Bien que le gouvernement ait publié une circulaire prévoyant l'application stricte de normes de construction garantissant la réalisation d'infrastructures adaptées aux personnes handicapées,
Dans les faits, la loi n'est pas appliquée. Pourtant, il est possible de lutter contre les inégalités de genre et d'accroître la mobilité des femmes en prenant en compte leurs besoins et en intégrant diverses perspectives dans la conception des infrastructures. Des efforts peuvent également être faits pour améliorer l'accès des femmes à la propriété foncière, domaine dans lequel le fossé avec les hommes est particulièrement important.
Dans ce contexte, le projet Autonomisation économique des femmes grâce à des solutions forestières (WEE-FS, Economic Empowerment of Women through Forest Solutions) de GLOW aborde la question cruciale du développement des infrastructures comme moyen de soutenir les micro-entreprises dirigées par des femmes au Népal. Le projet a permis de créer six espaces collectifs pour plus de 240 femmes, réparties en 18 groupes d’entreprises des zones rurales de Nawalpur et Sindhupalchok. Ces six « foyers d’entrepreneures » offrent aux femmes les espaces de travail collectifs qu'elles peinent bien souvent à trouver.
Dans le village de Bhujel à Nawalparasi, le projet a soutenu des entreprises spécialisées dans le bambou. Les femmes entrepreneures souhaitaient améliorer l'efficacité de leur production grâce à une technologie de fendage du bambou. Le projet WEE-FS les a aidées à se procurer les machines nécessaires. La difficulté était maintenant de trouver un endroit approprié pour les installer. Elles ont sollicité l'aide du projet WEE-FS pour la construction d'un bâtiment où elles pourraient utiliser les machines ensemble.
Les femmes ont repéré plusieurs terrains à construire, mais un homme puissant a cherché à faire échouer le projet. Au départ, il a prétendu soutenir le groupe de femmes en leur proposant un contrat de location de terrain pour une durée de 20 ans (affirmant qu'il était propriétaire des terres, bien qu'elles n'aient jamais été officiellement enregistrées à son nom). Les femmes ont flairé le coup et ont refusé l'offre.
Il a ensuite pris la tête d'un petit groupe d'hommes qui ont menacé les femmes de détruire toutes les machines du projet si on continuait de les interroger sur cette question de terres. En guise de défense, les femmes revendiquent désormais leurs droits auprès du gouvernement local et du Groupe d'utilisateurs de la forêt communautaire (CFUG), en leur demandant de leur accorder une parcelle de terrain pour la construction de bâtiments destinés aux entreprises féminines.
À Sindhupalchok, d'autres groupements de femmes ont fait la demande d'un séchoir solaire et d'une machine à broyer afin de développer leur production de poudre d'ortie et de cardamome, mais elles n'ont pas pu trouver d'espace collectif pour installer les machines. La plupart de leurs demandes de location d'espaces ont été rejetées.
Un homme a proposé son terrain pour un bail de 20 ans, les deux premières années étant gratuites. Une fois que les femmes ont reçu les équipements du projet et ont commencé à générer des revenus, le propriétaire a cherché à renégocier le loyer et a menacé de se débarrasser des machines si on ne le payait pas.
Dans un autre cas, des femmes entrepreneures à la tête d'entreprises de fabrication de gobelets et d'assiettes bio ont dû déplacer leurs équipements à un autre endroit, en payant les frais de déménagement de leurs poches. Les espaces partagés pour les réunions et les autres programmes de formation étaient rares. Parfois, les événements organisés par le CFUG coïncidaient avec l'utilisation des machines par les entrepreneures, les programmes de formation ou d'autres activités de groupe.
Ces exemples illustrent le sentiment d'insécurité qu'éprouvent les femmes entrepreneures en raison du manque d'espace pour leurs activités. Pour répondre à ces différents besoins, les femmes entrepreneures ont décidé de rassembler leurs forces et d'obtenir les autorisations légales, les matériaux, la main-d'œuvre et les instructions nécessaires à la construction et à la gestion d'un espace collectif, en sollicitant le soutien financier du projet, du gouvernement local et des CFUG.
Des femmes entrepreneures accueillent les délégués municipaux dans leur foyer
Le groupe de femmes a également réussi à obtenir du bois auprès du CFUG et des fonds auprès du gouvernement local. Cela a ouvert la voie à la prise en compte des opinions et des souhaits des femmes dans les plans de développement au niveau des quartiers. Elles ont expliqué : « Avant, nous ne pouvions pas demander l'aide des autorités locales, mais aujourd'hui, nous arrivons à obtenir un budget pour la construction. » Cette démarche proactive d'implication des autorités gouvernementales et des organismes de soutien est impérative pour garantir la viabilité des entreprises vertes. Ces dernières ont le potentiel de stimuler l'économie des ménages, d'assurer le bien-être de la société et d'encourager l'utilisation rationnelle des ressources tout en réduisant les émissions de carbone.
Les femmes ont pris la tête des chantiers de construction en brisant tous les stéréotypes de genre. Qu'il s'agisse de la formation d'un comité de construction, de l'ouverture de comptes bancaires, des relations avec les contracteurs ou des négociations avec les quincailliers pour obtenir le meilleur prix, toutes ces tâches ont été accomplies par des femmes.
Une fois la construction des bâtiments terminée, le bonheur de ces chefs d'entreprises était à son comble. « Je suis fière de notre participation au chantier. J'ai appris plus de choses grâce à cette construction que lorsque j'étais représentante élue du gouvernement local », a déclaré l'une d'entre elles.
Les femmes d'affaires de Bhagar, dans le quartier 14 de Gaidakot, sont ravies d'avoir leur propre espace. L'une d'elles témoigne : « Avant, nous n'avions pas d'endroit commun pour installer les machines. Nous étions obligées de les transporter d'un endroit à l'autre en attendant de trouver des locaux adaptés, ce qui nous inquiétait beaucoup. Maintenant, nous avons nos propres bâtiments. » Une autre chef d'entreprise a ajouté : « Nous devions payer un loyer, mais aujourd'hui nous n'avons plus à le faire puisque nous avons construit notre propre bâtiment. »
Une femme travaillant dans une entreprise de fabrication de balais s'est exclamée : « Enfin, nous avons un espace à nous. Nous n'avons plus besoin de monter et de descendre à la recherche de locaux à louer pour nos activités et pour le stockage de nos matières premières. »
Les créatrices de gobelets bio montrent au maire local comment utiliser la machine
Plus important encore, les « foyers » sont devenus des lieux de partage de récits d'oppressions liées aux inégalités de genre, de nombreux cas de violence sexiste et de traumatismes transgénérationnels. L'une des chefs d'entreprise a déclaré que l'espace est un abri sûr pour les femmes victimes de violences domestiques. Elle a ajouté : « En cas de problème à la maison, j'ai au moins un endroit sûr où je peux rester. Ce bâtiment m'apaise mentalement et me fait me sentir plus forte. »
Un espace sans violence ni traumatisme
Les salles communautaires seront des lieux de discussion, de partage et d'interaction qui aident les femmes à socialiser, à apprendre et à lutter contre l'isolement grâce aux conseils et à l'aide apportés par « les femmes pour les femmes ».
Un espace sécurisé pour les matériaux, les machines et des produits
Les équipements de valeur créent souvent des problèmes de sécurité. Les foyers offrent une protection contre le vol. Ils peuvent être utilisés comme refuges en cas de catastrophe et comme centres d'isolement en cas d'urgence médicale. En outre, les foyers sont des espaces de stockage sûrs et mettent les produits à l'abri des attaques d'insectes et des incendies de forêt. Certaines femmes se sont exprimées ainsi : « Nous avons subi des pertes, car nos gobelets et assiettes bio ont été mangés par les insectes et les souris ! Aujourd'hui, nous sommes heureuses que nos produits soient en sécurité dans les nouveaux bâtiments. » Les foyers aident également à préserver les produits comestibles tels que le sisnoo, le lapsi et triphala, qui pourraient facilement s'abîmer dans de mauvaises conditions de stockage.
Un espace d'innovation et de création
Cet espace favorise la créativité et l'innovation grâce aux interactions entre les entrepreneures. « Le foyer nous a aidées à uniformiser nos produits. Les sacs et les tapis que nous fabriquions n'avaient pas la même taille ni la même forme, mais maintenant nous pouvons travailler ensemble », a déclaré une créatrice de produits Thakal. Les locaux partagés créent l'unité indispensable pour permettre aux femmes marginalisées et aux personnes handicapées de participer au développement sociétal et économique par le biais de la création d'entreprises. Les femmes développent des idées pour diversifier leurs produits et les partagent avec d'autres entrepreneures.
Un espace de rencontre et d'échange culturel
Les foyers servent de lieux de rassemblement pour la mise en réseau des femmes entrepreneures avec différentes parties prenantes, telles que les agences gouvernementales, les chercheurs et d'autres visiteurs. Ils fournissent un espace de négociation, de commercialisation et de formation au développement des capacités qui renforcera les liens et la cohésion. « Après le stockage en toute sécurité et la décoration ici même, au bâtiment des entrepreneures, des machines et des produits, nous avons constaté une augmentation du nombre de visiteurs qui viennent voir les bâtiments et le processus de production des gobelets et des assiettes bio », a expliqué une créatrice du CFUG de Sankhadevi. Le groupe de femmes a encouragé les gens à apporter du lapha (feuilles tressées ensemble) ou des feuilles afin de le leur vendre et d'en tirer profit tout en visitant nos entreprises.
Il existe de nombreux festivals et rassemblements sociaux de femmes. Ces locaux peuvent servir de point de convergence et d'espace récréatif pour les échanges culturels, en réunissant des entrepreneures de cultures et de religions différentes. Ils aident à créer un environnement convivial, où les gens peuvent renforcer leurs liens sociaux et célébrer la paix et l'harmonie.
Intérieur d'un foyer d'entreprise de fabrication de gobelets et d'assiettes bio
Résumé : un espace, de nombreux avantages
L'inclusion est réelle car chaque bâtiment comprend trois pièces : une pièce pour les machines de production, le stockage des matières premières et la présentation des produits finis, une deuxième pièce pour la garde des enfants et l'allaitement et une troisième pièce pour la cuisine et où les femmes peuvent préparer des collations et se restaurer. Le bâtiment tient compte non seulement de la dimension de genre, mais également des besoins des personnes handicapées, puisqu'il est adapté aux fauteuils roulants.
Au-delà du ciment et du béton, cette infrastructure symbolise un toit pour l'unité, l'autonomie et le développement d'un leadership féministe et empathique. Elle va également dans le sens de l'ODD 9, Construire des infrastructures résilientes en promouvant une industrialisation inclusive et durable et en encourageant l'innovation.
Ces progrès dans la construction de bâtiments sûrs, abordables et fiables qui tiennent compte de la dimension de genre peuvent contribuer de manière significative à réduire les obstacles qui entravent la réussite des femmes chefs d'entreprise. Investir dans des infrastructures plus durables et promouvoir l'égalité des sexes sont des priorités de développement de l'Agenda 2030. Ces bâtiments ont intégré les multiples facettes du parcours entrepreneurial des femmes. Ils constituent le socle qui portera l'héritage de l'entrepreneuriat féminin, en maintenant la durabilité et la cohésion avec d'autres actions de développement.
Une femme d'affaires concilie ses responsabilités entrepreneuriales et familiales durant la réalisation de l'enquête de référence.