Inégalités de genre et autonomisation des femmes rurales
Daniela Romero, de l'INESAD de Bolivie, fait part des réflexions qui ont conduit l'équipe à mener ses recherches dans le cadre du projet GLOW : Créer des emplois verts dans le secteur du quinoa en Bolivie pour les femmes autochtones dans le cadre de la relance économique post-Covid-19 dans une perspective bas carbone.
Les inégalités de genre résultent de systèmes historiques persistants et de facteurs structurels de discrimination et d'exclusion. Dans le cas spécifique des femmes, l'exclusion est une question multidimensionnelle qui entraîne des actions et des conditions précaires pour les femmes dans les sphères économiques, sociales et politiques. La répartition du travail par genre est une réalité structurelle qui constitue l'un des principaux fondements de cette exclusion, et notamment de l'inégalité et de l'injustice essentiellement d'ordre économique dont sont victimes les femmes. Dans le monde entier, les femmes gagnent généralement moins que les hommes car elles travaillent souvent de manière indépendante et accomplissent des tâches familiales non rémunérées. En outre, les femmes sont plus enclines à exercer des activités peu productives et à travailler dans le secteur informel, avec moins de possibilités de mobilité vers le secteur formel que les hommes.
De plus, les inégalités entre hommes et femmes dans l'utilisation du temps au sein des ménages sont encore importantes et persistantes, en particulier dans les pays en développement. En cumulant le travail rémunéré et non rémunéré, les femmes travaillent plus d'heures que les hommes, ce qui leur laisse moins de temps à consacrer à l'éducation, aux loisirs, à la participation politique et à leurs propres soins, et ne leur permet pas de gagner des salaires comparables à ceux des hommes. En Bolivie, ce phénomène est confirmé par les indicateurs d'Red EMINPRO d’évolution des salaires par sexe et par zone géographique au cours des dernières décennies :
Graphique 1. Salaire moyen de l'activité principale par heure, par sexe et par zone géographique
(in bolivianos)
Source : Red EMINPRO, 2022
Graphique 2. Salaire moyen de l'activité principale par heure, par sexe et par zone géographique
(in bolivianos)
Source : Red EMINPRO, 2022
Les deux graphiques révèlent que si les écarts de revenus par heure de travail sont faibles, ils sont en revanche importants pour ce qui est du revenu mensuel moyen. Cela s'explique précisément par le nombre d'heures que les femmes consacrent aux tâches ménagères au détriment du temps accordé à l'emploi et à l'amélioration de leurs revenus. On peut observer que cette situation se vérifie particulièrement pour les femmes rurales.
Dans ce contexte, la lutte contre l'inégalité des sexes apparaît comme une réponse à la nécessité de modifier ces conditions structurelles afin que hommes et femmes puissent jouir des mêmes droits, devoirs, opportunités et ressources. Le concept d'autonomisation va de pair avec cette orientation et concourt à l'égalité, puisqu'il stimule la capacité des personnes à décider de leur propre bien-être en fonction des conditions existantes et créées en interne et en externe. Il garantit ainsi que les groupes vulnérables tels que les femmes rurales sont en mesure de renforcer leur autonomie et, ce faisant, d'augmenter leurs capacités et leurs avantages de façon à devenir des agents visibles du développement dans des conditions d'égalité avec leurs homologues masculins.
L'autonomisation des femmes rurales et son importance pour le développement durable
Le concept d'autonomisation est apparu dans les années 60 avec le mouvement des droits civiques des Afro-Américains et la théorie de Paulo Freire sur le développement de la conscience critique. Alsop et al. (2006: 1) définissent l'autonomisation comme « le processus d'amélioration de la capacité d'un individu ou d'un groupe à prendre des décisions intentionnelles et à transformer ces décisions en actions et en résultats souhaités ». Cette capacité de décision est influencée par deux catégories de facteurs, l'une liée à l'activité et l'autre à la structure des opportunités. En fixant les « règles du jeu» pour l'exercice de l'activité, les cadres institutionnels déterminent plus ou moins son niveau d'efficacité. Les auteurs affirment que ces règles peuvent également affecter la quantité des biens et des réserves, et déterminer la valeur des bénéfices tirés de ces biens.
Dans le cas particulier des femmes, et surtout des femmes vivant en milieu rural, l'objectif de développement durable n°5 de l'Agenda 2030 se concentre sur l'autonomisation des filles et des femmes, et particulièrement sur le soutien aux femmes rurales, le groupe le plus vulnérable. Le rôle des femmes en milieu rural est fondamental. Cependant, elles sont confrontées à d'importantes limitations, notamment en matière d'accès à la propriété foncière et aux ressources.
Malgré cela, les femmes sont un pilier de l'économie rurale, en particulier dans les pays en développement, puisqu'elles représentent la moitié de la population agricole mondiale et que leur participation à l'agriculture s'est accrue durant les dernières décennies. Le nombre de foyers gérés par des femmes a également augmenté, car de plus en plus d'hommes ont migré vers les villes. En tant que principales pourvoyeuses de soins pour leur famille et leur communauté, les femmes sont responsables de l'alimentation et de la nutrition, et font le lien entre les exploitations agricoles et l'alimentation de la famille..
Par conséquent, l'autonomisation des femmes est très importante, car ce sont les différentes activités et actions qu'elles mènent qui garantissent le bien-être et le développement des communautés rurales. Il est donc nécessaire de renforcer leur action et de créer les conditions nécessaires pour leur permettre de continuer à jouer un rôle essentiel dans les programmes des gouvernements nationaux et internationaux. Il est évident que les femmes rurales se sont engagées depuis longtemps dans un processus d'autonomisation, même si les conditions extérieures dans lesquelles elles évoluent restent très contraignantes. Toutefois, si elle constitue un premier pas important, la promotion de cette autonomisation doit viser le développement durable au-delà de l'égalité des sexes. L'aspect de la durabilité implique de comprendre, de définir et d'agir sur les besoins spécifiques des femmes rurales en matière d'infrastructures, d'accès aux machines, de moyens de production, d'espaces commerciaux, de prise de décision et de sources de revenus durables.