Les entreprises vertes permettent aux femmes marginalisées de s'émanciper et de lutter contre la pollution plastique
Si le Népal est réputé pour la beauté de ses montagnes, le pays est aujourd'hui assailli par la pollution plastique, constituée par des montagnes de déchets qui s'accumulent dans les espaces urbains, entraînant des conséquences désastreuses sur la santé des populations. Le Népal produit environ 2,7 tonnes de déchets plastiques par jour ; 16 % des déchets urbains sont constitués de plastique. Selon une étude de l'ICIMOD, Katmandou consomme à elle seule entre 4 700 000 et 4 800 000 sacs en plastique par jour.
En réalité, la pollution plastique est un fléau mondial. En début d'année 2023, des procès portant sur la pollution plastique ont été recensés dans plus de 30 pays. La Journée mondiale de l'environnement 2023 a attiré l'attention sur ce problème et appelé à une action collective pour y mettre un terme.
Tandis que le monde commémorait la Journée mondiale de l'environnement, 30 femmes entrepreneurs des zones rurales et marginalisées de trois forêts communautaires participant au projet Autonomisation économique des femmes grâce à des solutions forestières proposaient une alternative écologique au plastique. Il s'agit de bols et d'assiettes bio, également appelées Duna Tapari en népalais, qui sont utilisées dans le pays depuis des temps immémoriaux pour l'emballage des aliments. Les bols sont fabriqués à partir de feuilles tombées naturellement au sol ou cueillies à partir de ressources autonomes et durables telles que le Shorea robusta (feuilles de sal).
Les femmes modernisent la fabrication traditionnelle de ces assiettes, qui était autrefois pénible, en ayant recours à des technologies bas carbone et adaptées aux besoins des femmes. À cette fin, le projet sensibilise les femmes entrepreneurs aux questions d'égalité des sexes et d'inclusion sociale, en leur proposant des formations axées sur les compétences et la gestion de groupe, et en formant des cercles de femmes dirigeantes.
Les femmes ont réalisé un inventaire des feuilles de sal dans leur forêt locale. Ces données ont ensuite été intégrées dans le plan de gestion de la forêt communautaire, ce qui offre aux femmes la possibilité de créer de multiples entreprises basées sur les produits forestiers non ligneux.
Les feuilles vertes sont récoltées à la main en prenant soin de ne pas endommager les arbres. Elles sont ensuite séchées pour fabriquer le lapha, un assemblage de feuilles cousues à l'aide d'épingles en bambou, qui sont ensuite pressées à l'aide d'une machine électrique afin d'obtenir une taille et une finition définies.
Ce processus est efficace, rapide, fiable, hygiénique et facile à mettre en œuvre. De plus, l'utilisation de technologies énergétiques propres s'aligne avec l'objectif ODD 7 d'une énergie propre et abordable, »[L1] renforce l'autonomie des femmes, comble le fossé de développement entre hommes et femmes et aide à construire une nouvelle identité de techniciennes en machines électriques pour les femmes rurales.
Ces femmes entrepreneurs n'ont ménagé aucun effort pour explorer les marchés potentiels pour leurs produits. Les produits à base de feuilles de sal sont profondément liés à la culture hindoue et sont d'une grande importance religieuse. Les gens les utilisent dans tous les grands événements de la vie, de la naissance à la mort, par exemple lors des cérémonies de sevrage, des anniversaires, des expositions, des ateliers, des rassemblements sociaux, des mariages, des fêtes communautaires, des célébrations ethniques, des fêtes et des funérailles.
Ces dernières années, les produits à base de feuilles de Sal sont devenus populaires auprès des hôtels, des restaurants, des maisons d'hôtes, des organismes de planification d'événements, des organisations non gouvernementales nationales et internationales, des attractions touristiques, etc. En raison de leur caractère renouvelable et non polluant, de leur valeur socio-économique élevée, de leur solidité et de leur durabilité, ces produits ont créé des marchés dans les villes du pays et sur les marchés internationaux.
En outre, ces produits présentent de nombreux avantages sur le plan environnemental. À bien des égards, cet écoproduit est nettement supérieur au plastique. Contrairement aux matières plastiques composées de polymères, de pétrole et de combustibles fossiles, et qui constituent un grave danger pour les êtres vivants, sa matière première est riche en divers flavonoïdes et possède des propriétés anti-inflammatoires, antibactériennes, analgésiques et cicatrisantes. Le plastique met entre 20 et 500 ans à se décomposer, laissant sur la planète de dangereuses séquelles qui affectent des générations entières. Or, les bols biodégradables se décomposent et se dissolvent dans le sol, créant ainsi plus de vie grâce à leur compost organique.
Cette innovation respectueuse du climat s'inscrit également dans le cadre de l'objectif 12 des ODD : consommation et production responsables, et de l'objectif 13 : action pour le climat. Étant donné que le processus complet de préparation des produits à base de feuilles de sal nécessite du travail manuel et l'utilisation d'énergies renouvelables, ces produits émettent moins de carbone que les produits en plastique. Chaque kilogramme de plastique émet environ 6 kg de CO2.
Tous les secteurs sont concernés par le plastique, générateur d'une empreinte carbone importante. Remplacer du jour au lendemain l'économie du plastique profondément enracinée dans un pays en développement comme le Népal est une tâche herculéenne, car de nombreux emplois en dépendent. Il est donc nécessaire de procéder par étapes.
Selon les prévisions, d'ici 2050, nous produirons environ quatre fois plus de plastique qu'aujourd'hui. Sur la base de la situation actuelle, l'OCDE prévoit que les déchets plastiques devraient tripler d'ici 2060, et la moitié finira dans des décharges. À l'ère de la crise climatique, il est urgent de passer à une consommation respectueuse de l'environnement et d'adopter des attitudes écologiques. Il est urgent d'avoir un impact zéro sur l'environnement et que chaque personne devienne un éco-champion à part entière.
Une intervention politique forte et globale visant à décourager l'utilisation du plastique est indispensable pour développer de nouvelles pratiques et adopter une culture de l'emballage écologique dans notre vie de tous les jours. Les pouvoirs publics devraient mettre en place des mesures d'incitation, des subventions et des exonérations fiscales pour les produits respectueux de l'environnement. En outre, l'augmentation des taxes sur les produits en plastique, qui sont en forte concurrence avec les produits bio, motiverait les femmes entrepreneurs à produire des bols et des assiettes bio à plus grande échelle.
Ces produits bio créent une lueur d'espoir dans la lutte pour un environnement durable, permettant aux groupes marginalisés de la société, en particulier les femmes rurales, d'améliorer leurs moyens de subsistance et de devenir économiquement autonomes. Chaque fois que vous achèterez ces assiettes, vous soutiendrez et récompenserez le travail acharné de ces femmes, qui ont mené d'innombrables guerres patriarcales internes et externes contre des stéréotypes sexistes pour être des entrepreneurs. Il est temps d'accélérer les choses, de passer à une économie circulaire biosourcée et de réinventer un environnement sans plastique.