Difficultés et opportunités d’autonomisation des femmes népalaises dans les communautés forestières
Srijana Baral et Kanchan Lama, de ForestAction Nepal, évoquent certaines des difficultés rencontrées par les femmes dans les communautés forestières du Népal. Elles présentent un nouveau projet GLOW qui vise à donner aux femmes entrepreneurs les moyens de créer des petites entreprises forestières bas carbone afin d'améliorer leur résilience au changement climatique.
Le projet Economic Empowerment of Women through Forest Solutions (WEE-FS) sera mis en œuvre au cours des trois prochaines années dans quatre municipalités du Népal. Ces municipalités sont situées dans deux régions : Sindhupalchok dans les collines et Nawalpur dans le Teraï (la région des plaines du Népal). Le projet vise à établir des faits en vue de l'autonomisation économique des femmes grâce à des solutions entrepreneuriales peu polluantes, basées sur la forêt et la nature, et qui renforcent la résilience des femmes face au changement climatique, aux pandémies et à divers chocs économiques externes.
Le projet est financé par le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) du Canada et mis en œuvre par un consortium de partenaires aux compétences diverses, dont ForestAction Népal – un organisme de recherche, l'Himalayan Grassroots Women's Natural Resource Management Association (HIMAWANTI) – un réseau civique de groupes de femmes, l’Association of Family Forest Owner’s, Nepal (AFFON) – un réseau de propriétaires forestiers privés, et la Federation of Forest-based Industry and Trade, Népal (FenFIT-Népal) – une association d'entrepreneurs privés.
Opportunités et difficultés pour l'autonomisation des femmes népalaises dans les communautés forestières
Le premier trimestre, le projet s'est attaché à mieux comprendre les différentes opportunités et difficultés auxquelles les femmes sont confrontées. Les groupes particulièrement exclus dans les communautés de Sindhupalchok et de Nawalpur sont les femmes et les filles des communautés locales tributaires de la forêt, les femmes célibataires et veuves, les groupes autochtones, les Dalits (également connus sous le nom des « intouchables ») et les groupes possédant peu ou pas de terres.
Des décennies d'efforts de conservation et l'évolution des modes de vie ruraux ont contribué à l'accroissement de la zone forestière. Ce phénomène, associé à l'exode rural des hommes (à la recherche d'un emploi), offre aux femmes de nombreuses possibilités de s'engager dans des entreprises forestières qui contribuent à une économie bas carbone.
L'augmentation de l'aide extérieure au développement de ces communautés a également permis aux femmes de participer à des activités « en extérieur », ce qui leur a fait mieux connaître les politiques gouvernementales. Les activités de développement comprennent un meilleur accès à l'eau potable (grâce à des robinets installés devant les portes des maisons), des routes et des services Internet et surtout, une plus grande présence de l'administration locale dans la région.
Bien que les conditions de vie s'améliorent progressivement pour beaucoup, il n'en va pas de même pour toutes les femmes et les filles, en particulier celles qui sont pauvres et qui appartiennent à des communautés exclues de la société. Les communautés dépendantes des forêts sont privées des ressources forestières en raison des approches « peu sensibles à la dimension de genre » (où la dimension de genre est totalement ignorée) des groupes d'utilisateurs des forêts communautaires (CFUG, Community forest user groups). Les gardes forestiers empêchent souvent les femmes de pénétrer dans la forêt pour accéder aux produits ligneux et non ligneux de base tels que le bois de chauffage, l'herbe, le fourrage et les aliments de la forêt. Nous avons découvert une grande collection de faucilles et de haches saisies par les gardes forestiers, dont beaucoup appartenaient à des femmes, principalement issues des couches pauvres de la communauté, qui avaient pénétré dans la forêt pour ramasser du bois de chauffage et du fourrage. Il est donc très important de sensibiliser les gardes forestiers et les autorités des CFUG, y compris les groupes de femmes qui dépendent principalement des forêts, aux approches respectueuses de l'égalité des sexes.
Outre les problèmes liés à l'accès à la forêt, nous avons constaté que les femmes et les groupes marginalisés sont confrontés à de nombreux autres obstacles, liés et non liés au climat. Il s'agit notamment de l'insécurité alimentaire des femmes, des risques sanitaires, du chômage, du manque d'accès à l'information publique et de l'impossibilité pour les femmes de prendre des décisions importantes concernant les forêts et d'autres ressources productives. Les communautés sont également mal préparées à faire face aux catastrophes (in)attendues telles que les inondations et les glissements de terrain, ainsi qu'aux conséquences du changement climatique telles que l'augmentation du nombre de mauvaises récoltes et de l'insécurité alimentaire, ainsi que d'autres crises comme le Covid-19. Les femmes et les jeunes filles sont le plus durement affectées par ces difficultés interdépendantes.
Même si les femmes ont gagné en autonomie ces dernières années, les valeurs patriarcales encore très présentes dans la société les empêchent d'assumer des responsabilités et de revendiquer leur part des bénéfices de la forêt.
« Les femmes célibataires sont discriminées dans la société. Si nous ne pouvons pas parler librement de nos problèmes, comment pouvons-nous avoir accès au bois et à d'autres matériaux comme les autres femmes ? Nous sommes toujours les dernières, et bien qu'on prétende qu'il existe des dispositions pour nous, nous ne recevons aucun traitement spécial. Au contraire, nous devons supporter les insultes de nos consœurs en public » - une femme Dalit raconte son combat pour obtenir des produits issus de la forêt communautaire.
Les femmes dans les entreprises forestières
Les entreprises forestières offrent aux femmes des opportunités économiques grâce à des solutions basées sur la nature pour améliorer leurs filets de sécurité, résister aux chocs climatiques et renforcer leur résilience. Plusieurs groupes de femmes à Sindhupalchok et Nawalpur travaillent depuis toujours dans des entreprises forestières, et utilisent les connaissances et les compétences traditionnelles à petite échelle. Des innovations en faveur des femmes sont nécessaires pour garantir l'efficacité en l'absence de progrès technologiques.
Les femmes préparent des médicaments à base de plantes pour traiter les problèmes de gastrite et les symptômes de Covid-19. Les femmes autochtones Bhujel et Thami savent fabriquer des objets artisanaux en bambou et en rotin, notamment des balais en herbe et des nattes en palmier nain (Thakal). Certaines ont des activités informelles de fabrication et de vente de meubles en bois, mais il leur est encore difficile de se lancer dans les produits dérivés du bois, tant au niveau de la vente que de la commercialisation.
Au Népal, l'extraction de bois ou de produits forestiers non ligneux se fait sur la base d'un plan de gestion préparé par des experts forestiers. Le plan de gestion est basé sur un inventaire des ressources et les interventions de gestion sont effectuées en fonction de cet inventaire. En outre, les femmes qui s'occupent de la collecte de ces ressources possèdent souvent des connaissances ancestrales sur la gestion des ressources, ce qui contribue à la préservation de l'environnement.
Les forêts dont la gestion et le régime foncier sont différents, notamment les forêts communautaires, les forêts privées et les forêts en concession, peuvent toutes constituer des sources de revenus bas carbone pour les femmes. De nombreux familles possèdent des forêts privées et des arbres sur les terres agricoles, mais les forêts familiales fonctionnent de manière informelle et ne sont pas systématiquement enregistrées et documentées. Beaucoup ne sont pas conscients des avantages qu'il y a à enregistrer les forêts et à les utiliser à des fins commerciales.
C'est ce qui ressort de notre entretien avec Mme Kamala Devi Basnet, propriétaire d'une forêt privée à Sindhupalchok : « Ma famille possède une forêt naturelle à plusieurs paliers sur un demi-hectare de terrain. J'ai entretenu cette forêt dans l'espoir qu'elle m'aide à financer l'éducation de mes quatre enfants, mais je me rends compte aujourd'hui qu'elle ne vaut pas grand-chose. Un courtier est venu me voir et m'a proposé la modique somme de 500 roupies par pied pour les arbres de taille moyenne et de 1 000 roupies par pied pour les arbres de grande taille. J'aimerais mieux connaître le marché, mais je ne sais pas où aller ni comment obtenir les services dont j'ai besoin ». Elle ne savait pas qu'elle pouvait obtenir une assistance technique auprès de l'Office régional des forêts. Elle envisage maintenant de faire enregistrer sa forêt privée.
Les forêts privées et familiales constituent une ressource considérable pour promouvoir l'émancipation économique des femmes, mais celles-ci ne disposent souvent pas des compétences nécessaires pour tirer pleinement parti de leur patrimoine forestier.
Les articles produits localement sont difficiles à commercialiser en raison de la profusion d'articles en papier et en plastique fabriqués en Chine et en Inde. Les autorités locales doivent donc s'efforcer de trouver des solutions pour contrer ce phénomène. Une solution consiste à imposer des réglementations commerciales strictes à l'importation de ces produits afin d'encourager la création d'un marché pour les articles en bambou et en rotin produits localement.
Stratégies pour les prochaines actions
Les entreprises forestières ont besoin de mesures de soutien appropriées. Les politiques prévoyant des subventions, des exonérations d'impôts et de TVA pourraient être d’une grande aide aux femmes entrepreneures. Les femmes participent activement à la gestion des ressources forestières ; elles connaissent bien leurs droits et les rôles des hommes et des femmes, mais elles n'ont pas assez de pouvoir pour prendre des décisions concernant les revenus forestiers. Grâce à l'introduction de technologies et de compétences bas carbone adaptées aux femmes, le projet peut soutenir des secteurs non basées sur le bois qui pourraient inclure des produits tels que le papier fait à la main, les vêtements préparés à partir de l'allo (ortie géante de l'Himalaya), et les paniers en bambou et en rotin largement utilisés par les communautés locales.
Plusieurs entreprises forestières dirigées par des femmes ne parviennent pas à se développer en raison principalement du manque de clarté des politiques forestières et commerciales. Elles sont confrontées à d'autres difficultés, notamment le manque de compétences en matière de négociation, d'opportunités de diversification des produits et d'accès aux marchés. Dans ce projet, le renforcement des capacités des femmes et l'introduction de technologies appropriées permettant aux femmes d'économiser du temps et de l'énergie, ainsi que le coaching entrepreneurial seront une priorité.
Les institutions financières hésitent à donner la priorité aux entreprises gérées par des femmes (et à celles basées sur le bois), une situation qui doit être corrigée. En vue de soutenir les entreprises et l'émancipation économique des femmes, les autorités locales de Sindhupalchok ont mis en place des mesures en faveur des entreprises agro-industrielles, appliquées dans le cadre du programme de développement des micro-entreprises dans le district. Ces initiatives doivent être renforcées au niveau national et des collectivités locales. Le projet soutiendra le ministère des Forêts dans la révision et la réforme des politiques et des stratégies afin de créer des opportunités autour des forêts.